Nous avions vu, à la halle et chez les marchands, des oignons rangés par ordre de grandeur, soit en ligne, soit en tas ou en torches ; cette observation nous avait suffi pour comprendre pourquoi l'on disait figurément se mettre en rang d'oignons, et alors nous écrivions ce dernier mot au pluriel.
Notre erreur était grande ; nous venons la confesser humblement. L'Allium cepa est complètement étranger
à cette locution : ce que nous avions pris pour une vulgaire comparaison n'est rien moins, l'Académie elle-même veut bien nous l'apprendre,
que le souvenir d'un grand maître des cérémonies.
Et d'abord, citons le texte de l'illustre compagnie :
« Locution adverbiale et familière dont on se sert en parlant de plusieurs personnes qui sont rangées sur une même ligne. — Se-mettre en rang d'oignon signifie aussi prendre place dans une réunion où l'on n'est pas invité, dans une assemblée à laquelle on n'a pas le droit d'assister. D'Oignon était le nom d'un maître des cérémonies. »
Ce maître des cérémonies, Artus de La Fontaine Solaro, baron d'Oignon et seigneur de Vaumoise, exerça ses importantes fonctions sous quatre rois à partir de Henri II ; il était chargé aux États de Blois d'assigner leurs places aux députés des trois ordres ; il se signala enfin par la conscience avec laquelle il fit serrer les rangs ou respecter les droits de chacun en fait de préséance, et cette belle conduite valut à son nom l'honneur que nous savons.
Si telle est l'origine de notre expression, et il n'est guère permis d'en douter quand l'Académie l'affirme, l'Académie ferait peut-être
bien de conserver au mot Oignon sa majuscule historique.